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Tu es étudiant en deuxième année de licence juridique à l’Université et tu peines à comprendre les grands principes qui irriguent ton cours de droit des contrats?

Dans cet article intégralement rédigé par mes soins nous reviendrons ensemble sur un chapitre important du droit des contrats : la théorie de l’imprévision.

I. LA THÉORIE DE L’IMPRÉVISION :

Tout d’abord il convient d’analyser l’article 1195 du Code civil (A) pour ensuite s’intéresser de manière approfondie à la complexe et lente consécration de la théorie de l’imprévision (B)

A. LE FONDEMENT LEGAL : L’ARTICLE 1195 DU CODE CIVIL

L’article 1195 du Code civil, article issu de la grande réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, dispose :
“Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant.”

L’article 1195 du Code civil énumère les conditions qui permettent à une partie au contrat d’invoquer cette théorie devant le juge afin d’en obtenir la révision.

Les conditions qui permettent d’invoquer l’imprévision devant le juge pour obtenir la renégociation du contrat sont les suivantes : un changement de circonstances imprévisible (1)une exécution excessive onéreuse (2), une partie qui ne souhaitait pas en assumer le risque (3).

1) UN CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES IMPRÉVISIBLE :

Le changement de circonstances doit impérativement être imprévisible pour que la théorie de l’imprévision ait vocation à s’appliquer au contrat en cause.

Par conséquent, un simple changement de circonstances dans l’exécution du contrat non accompagné d’imprévisibilité n’aura pas pour effet de permettre à une partie d’invoquer la théorie devant le juge.

Le changement de circonstances imprévisible est défini comme celui qui ne pouvait absolument pas être prévu par les parties lors de la conclusion du contrat.

L’imprévisibilité du changement signifie donc que les parties ne pouvaient pas imaginer à l’avance qu’un tel bouleversement surviendrait lors de l’exécution du contrat.

2) UNE EXÉCUTION EXCESSIVEMENT ONÉREUSE :

La seconde posée par l’article 1195 du Code civil, l’exécution excessivement onéreuse, signifie que l’une des parties n’est plus en mesure d’exécuter ses obligations contractuelles sans que cette exécution représente un sérieux danger pour la stabilité de ses finances personnelles.

EXEMPLE :

Dans un contrat de fourniture l’exécution excessivement onéreuse peut, à titre d’illustration, concerner une augmentation de 300% du prix du charbon.
Hausse du prix qui n’était, bien évidemment, pas prévisible lors de la conclusion du contrat et risque que le cocontractant n’avait pas prévu d’assumer.

3) UN REFUS D’EN ASSUMER LE RISQUE :

La partie au contrat qui voit peser sur elle un changement de circonstances imprévisible ne doit pas, au moment de la formation ni même de la conclusion du contrat, avoir accepté d’en assumer le risque.

Le cas contraire la théorie de l’imprévision ne pourra pas être invoquée et le juge rejettera la requête du cocontractant pour irrecevabilité.

B. L’ARRÊT CANAL DE CRAPONNE : LE REJET DE L’IMPRÉVISION

C’est par l’arrêt Canal de Craponne rendu le 6 mars 1876 par la chambre civile de la Cour de cassation que le refus de la théorie de l’imprévision a été motivé par les juges.

1) QUELS SONT LES FAITS DE L’ARRÊT ?

En l’espèce, le propriétaire d’un canal a demandé au juge, trois siècles après l’instauration d’une redevance, la révision de son contrat.
Le motif invoqué par le propriétaire Monsieur Gaston de Galliffet est le suivant : la redevance qu’il perçoit pour le Canal ne lui permet même pas de couvrir les frais d’entretiens de ce dernier.

2) QUEL EST LE PROBLÈME DE DROIT INVOQUÉ ?

Le propriétaire invoque devant le juge la nécessité d’obtenir la renégociation du contrat pour cause de changement des circonstances économiques.

Pour le dire plus simplement, le propriétaire souhaite obtenir du juge la revalorisation de la redevance qui, au fil des siècles, a été frappée d’une forte baisse de valeur (dépréciation).

3) QUELLE EST LA SOLUTION ?

Dans son arrêt Canal de Craponne la Haute juridiction de l’ordre judiciaire, la Cour de cassation, rend un arrêt de rejet en estimant que ce qui a été convenu, en vertu du principe de la force obligatoire des contrats, ne peut être remis en cause.
La juridiction suprême de l’ordre judiciaire manifeste ainsi son refus d’invoquer et de consacrer la théorie de l’impression au motif qu’un changement de circonstances imprévisible a bouleversé l’exécution du contrat.

Le positionnement des juges est le suivant : ce qui a été convenu entre les parties reste de leur compétence et le juge est irrecevable à opérer une renégociation du contrat.

IMPORTANT :

C’est par l’ordonnance du droits des contrats du 10 février 2016 que la théorie de l’imprévision sera finalement légalement consacrée à l’article 1195 du Code civil et la solution de l’arrêt Canal de Craponne abandonnée.

II. UNE ENTORSE AU PRINCIPE DE NON RÉSOLUTION UNILATÉRALE :

Si en général la théorie de l’imprévision a pour finalité d’obtenir du juge la renégociation du contrat, il est également possible (c’est néanmoins assez rare), d’obtenir la résolution du contrat.

Cette hypothèse de résolution se manifeste lorsque la renégociation du contrat est impossible.

La théorie de l’imprévision constitue donc à elle seule une réelle entorse au principe de non résolution unilatérale du contrat qui signifie que le contrat ne peut prendre fin à l’initiative d’une seule partie.

Or, ce que l’on constate est que l’article 1195 du Code civil en reconnaissant cette théorie permet à l’un des contractants de saisir le juge afin d’obtenir la résolution de la convention.

C’est tout pour cet article consacré à la théorie de l’imprévision en droit des contrats, je te souhaite une très bonne journée et à bientôt sur mon blog.