Selon Pierre Avril, juriste et professeur de droit public, notamment à l’Université Paris II Panthéon-Assas, pense que « gouverner, c’est légiférer ». Alors aux États-Unis d’Amérique, qui sont un régime présidentiel, le Président n’est pas à l’initiative des lois, ce dernier doit donc collaborer avec le Congrès s’il veut gouverner. On parle même d’un régime « congressionnel-présidentiel ». Expression également défendue par Stéphane Rials, Professeur de droit public à l’Université de Paris II Panthéon-Assas dans son texte Régime “congressionnel” ou régime “présidentiel” ? les leçons de l’histoire américaine (revue Pouvoirs n°29, 1984).
La collaboration est l’action de collaborer, de coopérer, et de travailler ensemble. La collaboration en politique, c’est une stratégie utilisée pour atteindre des buts et objectifs politiques. Les États-Unis appliquent le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Le pouvoir législatif est bicaméral et représenté par le Congrès. Celui-ci est composé du Sénat (chambre haute) et de la Chambre des représentants (chambre basse). Ces deux chambres sont chargées d’élaborer, de discuter et de voter les lois fédérales. Le pouvoir exécutif est confié au Président fédéral et à son gouvernement (le Cabinet).
Le Président est le commandant en chef des forces armées, le chef de la diplomatie, II promulgue et exécute les lois. Il nomme également les membres du cabinet et les hauts fonctionnaires. Le pouvoir judiciaire fédéral est confié à la Cour suprême. Elle veille à la conformité des lois et décrets à la constitution et juge en dernier ressort une affaire judiciaire. Le régime politique désigne l’organisation des pouvoirs et leur exercice au sein d’une entité politique donnée.
Les États-Unis sont un régime présidentiel
Le régime présidentiel américain est un régime politique dans lequel le gouvernement n’est pas à l’initiative des lois et n’est pas responsable devant le parlement, ici le Congrès, et marqué par un cloisonnement très net des pouvoirs. Ce type de régime est à l’opposé d’un régime parlementaire. De plus, il convient de préciser que les États-Unis sont un État fédéral. C’est une union d’États, 50 États aux É-U. Elle repose sur un principe d’association entre États, principe contractuel.
Les États-Unis d’Amérique ont pris leur indépendance de la Grande-Bretagne en 1776 et ont eu leur première Constitution en 1787, C’est par ailleurs la plus ancienne constitution encore en vigueur. La philosophie générale du régime politique américain a été exposée par 3 Pères fondateurs qui ont participé à la rédaction de la Constitution, Alexander Hamilton, James Madison, John Jay, dans un ouvrage intitulé Federalist Papers, écrit entre 1788 et 1789, à Philadelphie. Le régime présidentiel américain est caractérisé par une indépendance organique, une spécialisation fonctionnelle (séparation des pouvoirs) et par le tempérament des checks and balances (freins et contrepoids). L’indépendance organique s’illustre par le mode de désignation et le statut des trois têtes du gouvernement fédéral :
Congrès, Président, Cour Suprême. Cela leur donne une parfaite autonomie les unes par rapport aux autres. La spécialisation fonctionnelle de la Constitution américaine signifie que chaque fonction (législative/exécutive/judiciaire) est attribuée à un organe. Cette spécialisation fonctionnelle oblige une collaboration pour fonctionner. La spécialisation fonctionnelle des branches du gouvernement fédéral n’est donc pas absolue. Elle est relative. Les Pères fondateurs ont tempéré la spécialisation par des mécanismes de mitigation qu’on appelle des checks and balances. C’est-à-dire, obliger d’aller ensemble sinon ils se bloquent mutuellement. Ce sont ces checks and balances qui caractérisent la collaboration des pouvoirs dans le régime présidentiel américain.
Dans quelle mesure les checks and balances qui caractérisent la collaboration des pouvoirs dans le régime présidentiel américain, justifiés par l’indépendance organique et la spécialisation fonctionnelle de la Constitution américaine, permettent-ils de contrebalancer les pouvoirs au sein du régime présidentiel américain ?
L’indépendance organique et la spécialisation fonctionnelle de la Constitution américaine sont la source de la collaboration des pouvoirs au sein du régime présidentiel américain (I), collaboration qui s’illustre avec le tempérament des checks and balances qui contrebalance les pouvoirs (II).
I. La collaboration des pouvoirs dans le régime présidentiel américain justifiée par l’indépendance organique et la spécialisation fonctionnelle de la Constitution américaine
Les pouvoirs au sein du régime présidentiel américain sont obligés de collaborer du fait de l’indépendance organique (A) et de la spécialisation fonctionnelle de la Constitution américaine (B).
A. L’indépendance organique comme l’une des causes la collaboration
Idée générale : Le mode de désignation et le statut des trois têtes du gouvernement fédéral à savoir Congrès, Président, Cour Suprême, leurs donnent une parfaite autonomie les unes par rapport aux autres. il y a une véritable indépendance organique. Donc pour gouverner, il faut marcher ensemble. Ce n’est pas comme un régime parlementaire où il est possible d’être ministre et parlementaire en même temps.
Exemples/illustrations : art 1er section 6 clause 2 = clause d’ incompatibilité/art 2 section 1 clause 2/ Le Président n’est pas élu par le Congrès et inversement le Congrès ne voit pas sa composition effectuée par le Président. Le mode de désignation des juges à la Cour Suprême implique, lui, une désignation par le Président avec l’accord du Sénat américain, juges qui sont nommés par ailleurs à vie.
L’indépendance organique a pour corollaire une spécialisation fonctionnelle des organes.
B. La spécialisation fonctionnelle des organes comme l’autre cause de la collaboration Idée générale
La spécialisation fonctionnelle de la Constitution américaine signifie que chaque fonction (législative/exécutive/judiciaire) est attribuée à un organe. Ce qui signifie que le risque d’ingérence sur un autre organe est fortement limité. L’organe a le monopole total sur ses prérogatives.
Exemples/illustrations : art I section 1/art II section 1/art III section 1/ La spécialisation fonctionnelle américaine implique que le Congrès n’a pas le pouvoir de renverser par une motion de censure le Président ou l’un des membres du gouvernement, le Président n’a pas d’initiative législative et il n’a pas de droit de dissolution du Congrès.
La spécialisation fonctionnelle des branches du gouvernement fédéral n’est pas absolue.
Elle est relative.
- Le tempérament des checks and balances dans le régime présidentiel américain comme solution face à l’absolutisme
Le tempérament des checks and balances permet que chacun des pouvoirs n’abusent de ses prérogatives. C’est pour cela que les pouvoirs du Congrès et du Président fédéral sont contrebalancés (A) et sous le contrôle de la Cour suprême (B).
A. Les pouvoirs du Congrès et du Président fédéral comme contre-balancés
Idée générale : Les checks and balances relativisent les pouvoirs du Congrès et du Président. Ils doivent collaborer s’ils veulent remplir leur fonction. Cette solution peut s’avérer bénéfique car elle peut déboucher sur un consensus du monde politique et peut s’avérer néfaste pour le fonctionnement du pays. En bref, pour fonctionner normalement, il faut faire des compromis. C’est ce que voulaient les Pères fondateurs.
Exemples/illustrations : Le veto présidentiel/art 1 section 7 de la constitution/ L’impeachment. La procédure d’impeachment contre Donald Trump (décembre 2019-février 2020) = procédure de destitution du Président sur la trahison, corruption ou autres délits ou crimes. Elle ne se limite pas que au Président car peut jouer contre le Vice Président ou les secrétaires (ministres), La clause d’avis et consentement du Sénat : article II, section 2, clause 2/ Art 2 section 2 clause 1/ art 1 section 8 clause 11
Les agissements du Congrès et du Président fédéral sont sous la gardiennage de la Cour suprême.
B. La Cour suprême : gardienne de la Constitution
Idée générale : Le pouvoir de la Cour suprême et des cours fédérales américaines de contrôler la conformité des lois et des actes du pouvoir exécutif à la Constitution est également caractéristique de la logique des checks and balances, car elle garantit le bon fonctionnement du régime présidentiel américain.
Exemples/illustrations : Marbury v. Madison de 1803 (début du contrôle de constitutionnalité)