Les personnes publiques ont la mission d’assurer le strict respect ainsi que le maintien de l’ordre public établi par la loi (ordre public matériel/ordre public immatériel).
Cependant, il est habituel de différencier l’ordre public et le SP (service public), de l’ordre public, de par leur différence de régime juridique.
On trouve le fondement de l’OP (l’ordre public) dans la DDHC du 26 août 1789 qui traite de la liberté dans son article 4 = « tout ce qui ne nuit pas à autrui » et l’article 5 « la loi n’a le droit de défendre que ce qui est nuisible à la société » + « tout ce qui n’est pas défendu pas la loi ne peut être empêché. »
- L’existence même d’une liberté est donc explicitement affirmée par les textes de droit (la DDHC possède, pour rappel, une valeur constitutionnelle) mais il est également importer de noter que des dispositions visent d’un autre côté à limiter son exercice, dans l’objectif de protéger la société.
Ce système organise un système répressif de l’exercice des libertés et non pas préventif.
A noter que ce système répressif est le meilleur pour la protection des libertés : tout est possible sauf ce qui est interdit, si accomplit l’interdit on est sanctionné.
En effet, un système préventif nuirait aux libertés parce qu’il serait interdit de tout faire sauf ce qui est autorisé, par conséquent, pour éviter toute nuisance à autrui et à la société, il est impératif d’encadrer le système répressif.
Article 12 DDHC = besoin d’une force publique pour faire respecter les barrières posées à la liberté, l’encadrement des libertés incombe au législateur mais il n’est pas très adapté pour le faire, surtout dans les limites circonstancielles (ni dans l’urgence).
C’est plus au pouvoir réglementaire que l’on va demander de se charger de l’OP.
Le pouvoir de police est un pouvoir juridique pouvant paraitre tourné vers un aspect liberticide mais cet encadrement permet d’être plus libre et éviter de nuire aux autres (il protège les autres/la société et apparait donc comme davantage libertaire que liberticide).
Le pouvoir de police est là pour trouver un équilibre entre la liberté et l’ordre public qu’il faut impérativement satisfaire/respecter = la liberté s’épanouie toujours dans le strict respect de l’ordre public.
Le pouvoir de police ne s’exerce que par des actes administratifs unilatéraux = par ailleurs, il convient de préciser que le pouvoir de police administrative se manifeste par des actes de juridiques, des prescriptions…mais aussi des prestations, un service fournit de manière naturelle.
LES COMPOSANTES DE L’ORDRE PUBLIC
L’expression OP (ordre public) en droit administratif français recouvre des réalités diverses notions qui ne sont pas le monopole du droit public.
En matière de police administrative, l’OP (ordre public) vise la recherche de la paix organisée au sein d’une société dans son ensemble = la paix est recherchée parce que le droit considère que c’est la condition pour que les libertés puissent pleinement s’épanouir.
Cette exigence de maintien de l’OP (ordre public) n’est pas perçue de la même manière selon l’observateur : si on est un individu on veut un minimum de règle pour pouvoir faire ce que l’on veut et jouir pleinement de nos libertés (les exercer au maximum).
Alors que le gestionnaire de l’OP, lui veut poser un maximum de règles pour assurer la paix et l’ordre // le juge en cas de litige, lui, doit établir un équilibre entre les libertés de individus et les mesures prises par le maitre de l’OP.
LES COMPOSANTES MATÉRIELLES DE L’ORDRE PUBLIC
Article L.2212 du CGCT : c’est un texte codifié mais ancien, car il a été un temps dans la loi dite municipale de 1884 (il est encore plus ancien car un partie de sa rédaction remonte à la période révolutionnaire).
Dans cet article L.2212 du CGCT se trouve la définition générale du pouvoir de police administrative mais aussi une liste d’illustration concrète du pouvoir municipal = assurer la sureté publique, la sécurité publique et la salubrité publique.
A NOTER : A l’origine les composantes élémentaires de l’ordre public (composantes de l’OP matériel) sont au nombre de 3.
Pour résumer, ces 3 composantes de l’OP matériel sont :
- Sécurité publique : code de la route, enlèvement des animaux errants…
- Salubrité publique : le nettoyage des rues, veiller à la qualité de l’eau…
- Tranquillité publique : pas de tapage nocturne…
Il faut noter que notre conception de l’OP (ordre public) est une conception matérielle et extérieure (Hauriou) : dans sa conception classique :
- L’OP ne peut prévenir que des troubles concrets subis par une personne ou par l’Etat = matérialité.
- L’OP ne s’occupe pas de la morale, des conséquences psychologiques = extérieure pour éviter que les personnes publiques s’immiscent dans les consciences individuelles = éviter une moralité publique.
On a des référés des 8, 9 et 10 janvier 2014 = l’antisémitisme de l’humoriste Dieudonné manifesté dans des spectacles = certains maires ont refusé sa représentation = on ne pouvait s’appuyer sur des éléments extérieurs = à la sortie des spectacles aucun problème => le CE a laissé entrevoir la dérive vers un contrôle de la pensée = Le CE est ainsi revenu sur sa décision.
Les exemples des grands principes font comprendre que ces exigences ne sont pas immuables, elles varient dans le temps et dans l’espace : la lutte contre le bruit le soir après 22 heures, lutter contre le bruit le matin à Paris et en pleine journée en campagne.
Le droit exige donc que les autorités titulaires de prérogatives de police administrative prennent les mesure adaptées au cas par cas = on ira donc à l’encontre des mesures générales et absolues qui ne prennent pas en compte les variations spatiales et temporelles (les mesures doivent s’adapter au cas d’espèce/chaque situation juridique est différente et mérite un traitement propre).
LES COMPOSANTES IMMATÉRIELLES DE L’ORDRE PUBLIC
Le juge va accepter d’autres caractères qui seront complémentaires, ce sont les composantes immatérielles de l’ordre public.
Les composantes immatérielles de l’ordre public (que nous allons définir) sont des composantes complémentaires car leur application par le juge administratif est assez rare.
En effet, lorsque l’on additionne la tranquillité publique, la sécurité publique et la salubrité publique (les 3 composantes de l’ordre public matériel en droit administratif) on couvre déjà beaucoup de troubles portés à l’égard de la paix sociale/d’atteintes portées à l’ordre public.
La protection de la moralité publique
La moralité publique est la première composante de l’ordre public (OP) immatériel, le juge administratif se charge de veiller à son strict respect comme il a pu le faire dans des arrêts devenus célèbres.
=arrêt CE 18 décembre 1959 Société des films Lutétia = projection d’un film interdite par un arrêté municipal (le titre du film interdit de projection c’était “Le feu dans la peau”) pour protéger la moralité publique dans la ville de Nice.
La protection de la moralité publique poursuivie par le maire de Nice de l’époque (protection exercée au moyen de l’adoption d’un arrêté municipal) fut donc considérée comme le motif permettant de justifier et d’accepter la légalité de cette mesure de police (arrêté municipal).
La résistance du JA (juge administratif) s’explique par sa volonté d’éviter que les autorités publiques disent ce qu’il faut penser aux administrés (que les AP dictent aux administrés la morale qu’ils doivent suivre) mais c’est aussi un bon point pour lui, parce que sinon il devrait, lui aussi, déterminer la moralité publique à l’occasion des litiges.
La protection de la dignité de la personne humaine
Il y a derrière cette préoccupation de la protection de la dignité de la personne humaine, une grande considération morale.
Il y a une vision plus matérielle : la dignité de la personne humaine est plus facilement définissable surtout pour son atteinte.
Le principe de la protection de la dignité de la personne humaine est apparu successivement, une première fois grâce à l’arrêt du 2 juillet 1993 Milhaud = pour résumer, par cet arrêt, le CE a consacré le principe général de la dignité de la personne humaine qui perdure même après la mort.
Le Conseil d’Etat (CE) a fini par ériger le principe de la protection de la dignité de la personne humaine en tant que véritable composante de l’ordre public immatériel : arrêt CE 27 octobre 1995 Commune de Morsang-sur-Orge =
Par l’emblématique arrêt Commune de Morsang-sur-Orge (1995) le juge administratif a établi l’interdiction du lancer de nain dans les discothèques et autre lieux sur le territoire national = le CE (Conseil d’Etat) confirme donc, par son arrêt de 1995, la position du maire de ladite commune de Morsang-sur-Orge, maire qui avait lui-même décidé d’adopter un arrêté municipal pour interdire la pratique des lancers de nains dans les nightclubs de sa ville.
2 éléments importants ressortent de cet arrêt :
- Il permet de fonder une nouvelle composante complémentaire de l’OP = ne présente pas les défauts que peut présenter l’argument de la moralité publique = s’apprécie alors plus objectivement = le CE est moins réticent à fonder les mesures sur ce critère // moralité publique
- La dignité de la personne humaine est universelle, le CE note que peu importe les caractéristiques spatiales et temporelles.
- La dignité de la personne humaine est un principe qui, dorénavant, est opposable à tous, y compris aux personnes qui pourraient nier leur propre dignité = le CE avait admis que l’on puisse protéger les individus contre eux-mêmes = porter un casque, ceinture de sécurité…