A NOTER : Cet article juridique de droit constitutionnel aborde en profondeur la notion d’Etat qui est étudiée en droit constitutionnel, ces notes furent prises par mes soins lorsque j’étais étudiant en L1 à Paris II Assas.
INTRODUCTION, PRESENTATION ET ENJEUX
L’État est au centre du droit public que ce soit du droit administratif (2ème année de Droit) et du droit constitutionnel et des institutions politiques (1ère année de Droit)
Le droit constitutionnel nait avec l’État moderne, particulièrement avec l’État européen en Europe.
L’État peut correspondre à la fois :
- Aux institutions politiques qui composent l’État, le Gouvernement, et l’on peut aller jusqu’à parler des régimes politiques.
- A la forme d’organisation territoriale de l’État qui correspond à des réalités très différentes selon les pays, que le pays soit peu ou très centralisé, que le pays soit centralisé, mais avec une décentralisation, que ce soit des États fédéraux. En définitive, plusieurs réalités qui existent dans l’organisation territoriale de l’État. Cette organisation territoriale de l’État donne lieu à la typologie des Etats.
Avant de parler de typologie, il faut comprendre ce à quoi correspond un État, quels sont les critères qui définissent un État. Ce sont donc les deux points les plus importants :
- Voir les critères d’un État
- Voir les différentes formes que peuvent prendre un État
Sujets envisageables sur l’État :
- L’Organisation territoriale de l’État et la typologie de l’État (d’une manière très générale, c’est-à-dire des sujets spécifiquement centrés sur l’État)
- L’État par rapport à un cas d’étude (Royaume-Unis, Allemagne, Etats- Unis, France…)
L’Etat est au centre du Droit constitutionnel, que ce soit intrinsèquement par rapport à des sujets sur la typologie de l’Etat ou encore les critères de l’Etat mais également à travers des questions que l’on va retrouver selon les cas d’études. C’est pourquoi l’Etat est vraiment une des premières notions à étudier en Droit constitutionnel.
LA NOTION DE L’ÉTAT
État : entité juridique formée de la réunion de trois éléments constitutifs (population, territoire, autorité publique) et à laquelle est reconnue la qualité de sujet du droit international.
L’Etat est une notion essentielle du droit constitutionnel. Le droit constitutionnel moderne prend naissance avec la naissance même de l’Etat, c’est à partir de l’Etat que va se développer le droit constitutionnel et c’est le droit constitutionnel qui va permettre le développement et le perfectionnement de l’Etat.
En effet, l’Etat est la forme sociétale la plus perfectionnée au sens juridique puisqu’elle est à la base de différents concepts et modèles d’organisations territoriales.
Actuellement, le nombre d’Etats dans le monde n’a jamais été plus élevé qu’aujourd’hui. En juin 1945, étaient membres de l’ONU seulement 51 Etats. Aujourd’hui, dans le dernier décompte réalisé par l’ONU en 2012, la liste est de 197 Etats membres.
Progression du nombre de membres à l’ONU : http://www.un.org/fr/sections/member-states/growth-united-nations-membership-1945-present/index.html
Il n’existe, en 2013, que quatre États au monde qui, bien qu’étant reconnus officiellement par l’ONU, n’en sont pas membres :
- Le Vatican, représenté par le Saint-Siège, qui a un statut d’observateur depuis 1964
- Les Îles Cook, reconnues comme État non membre depuis 1992
- Niue, également reconnu comme État non membre depuis 1994
- L’État de Palestine, également observateur depuis 2012)
Ex : la partition du Soudan : http://ddc.arte.tv/nos-cartes/sud-soudan-un-nouvel-etat-en-afrique-1-2
Attention, derrière ces chiffres et l’idée que l’Etat est au centre du Droit Constitutionnel, et qu’il n’y a jamais eu autant d’Etats dans le monde, il ne faut pas considérer que tous les Etats se ressemblent. En effet, l’Etat n’est pas une notion absolue et définitive qui n’évolue pas. L’Etat n’a pas toujours existé et actuellement l’Etat n’existe pas toujours sous la même forme.
Rétrospective historique
Détour historique (avant d’en venir à une définition plus actuellement de l’Etat), l’Etat est une forme historique d’organisation liée au développement de la civilisation occidentale (NB : La société occidentale est basée sur les idées de la société grecque antique, de la société romaine antique et du christianisme occidental).
- Premières conceptions de l’Etat à Rome
On parle des premières conceptions de l’Etat à Rome.
Au VIIIe siècle av. JC., la Rome royale se dote d’un Sénat et d’une organisation militaire.
L’Etat au 13ème siècle
Ensuite l’on parle de l’Etat à partir du 13ème siècle, en France et Angleterre notamment.
Bulle Unam sanctam publiée par le pape Boniface VIII en 1302 : “Il est de nécessité (…) que toute créature humaine est soumise au pontife romain” (le roi compris).
A ce moment-là dans cette période et contexte historique, l’Etat correspond au pouvoir politique. Le pouvoir politique est alors dans des luttes et confrontations d’enjeux, de rivalités d’influence avec l’Eglise, avec l’organisation de la société religieuse et de son droit canon.
Droit canon : ensemble de normes, né au XIème siècle, mêlant des principes de droit romain à d’autres issus de la doctrine catholique.
L’Etat est alors, au 13ème siècle, au Moyen-Âge sous une organisation plutôt féodale. Le droit de l’Etat est un droit essentiellement féodal qui organise :
- Les rapports entre les vassaux, les suzerains et les souverains.
- La transmission du pouvoir, essentiellement héréditaire.
On constate à travers ces différentes étapes historiques de l’Etat, de l’Antiquité, au Moyen Age à la Révolution, qu’il y a un processus de formation de l’Etat : il évolue selon les contextes et en fonction des contextes.
L’Etat devient plus moderne (plus contemporain) avec l’absorption du pouvoir patrimonial à l’époque de la féodalité. La féodalité n’est donc pas une grande période pour l’organisation territoriale de l’Etat au sens moderne, puisqu’elle prend racine dans des conceptions qui sont plutôt différentes de celles que l’on connaît actuellement.
L’Etat au 18ème siècle
Le véritable tournant (base de notre étude tout au long de l’année) prend plutôt tournure aux alentours du 18ème siècle, et des différentes révolutions (anglaise, américaine et française) avec deux révolutions britanniques, la “Grande Rébellion” (1641-1649) et la “Glorieuse Révolution” (1688-1689), la Révolution américaine (Déclaration d’indépendance 1776), et la Révolution française 1789 (Serment du Jeu de Paume le 20 juin 1789).
Si je parle du 18ème siècle, c’est évidemment en référence à la Révolution française de 1789. Cette révolution marque une rupture nette dans la conception et formation de l’Etat historique. C’est à partir de cette date et du cycle révolutionnaire plus généralement que l’on assiste à l’émergence de l’Etat moderne. Il y a donc une rupture avec l’ordre ancien, la société civile et la société religieuse. A cette même période se développe également le constitutionnalisme et l’essor des constitutions.
Constitutionnalisme : doctrine selon laquelle il n’existerait une constitution que si celle-ci présente un contenu précis- quand elle assure la protection des droits individuels, la souveraineté du peuple et la séparation des pouvoirs.
Constitution selon J. Gicquel : “Loi fondamentale de l’Etat dont l’objet spécifique est l’organisation des pouvoirs publics et la détermination de leurs rapports- elle comporte aussi des dispositions relatives aux libertés publiques ainsi qu’à l’organisation territoriale”.
Ces deux phénomènes sont liés.
A partir de la Révolution française de 1789 se développe donc l’ultime étape de l’évolution de l’Etat dans sa forme moderne. Il y a le transfert de l’allégeance du souverain à la nation et l’invention de la citoyenneté.
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789, Article 3 : ” Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément”.
La Révolution ne marque pas la fin de l’évolution de l’Etat.
L’Etat au 19ème et 20ème siècle
Celui-ci continue d’évoluer et d’être soumis à différents enjeux. Par exemple l’organisation supranationale de l’Etat : l’UE, l’ONU, toutes les organisations supra-étatiques, au-dessus de l’Etat, dans un ordre juridique supérieur.
L’Union européenne : https://europa.eu/european-union/index_fr
Primauté du droit de l’UE sur le droit interne : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/fonctionnement/france-ue/quelles-sont-relations-entre-droit-europeen-droit-national.html
En même temps, il y a un processus inverse qui est l’éclatement des Etats avec la dissolution des Etats, les rivalités, les guerres qui peuvent avoir lieu en interne (dans les Etats).
Ex : l’éclatement de l’URSS : http://www.ina.fr/video/CAB91065005
Ex : l’ONU et la décolonisation : http://www.un.org/fr/decolonization/
L’Etat évolue donc en continue, il a évolué aux 19 et 20ème siècles en fonction de contextes différents. Un trait commun dans l’évolution de l’Etat est l’idée d’autonomisation progressive de l’Etat, qui passe par le développement d’institutions politiques et administratives.
Premier fait marquant :
Dans le domaine politique et administratif, le fait marquant est notamment l’essor du droit, aussi bien du droit de l’Etat que du droit de la constitution et des institutions politiques, et dès 1789 d’ailleurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen c’est-à-dire du le développement des Droit des citoyens.
Tous ces droits sont partis à la fois des constitutions et des différents codes, c’est donc un indice de l’essor du droit.
Deuxième fait marquant :
Progressivement à partir de 1789, l’Etat prend en compte différentes fonctions modernes, que l’on peut synthétiser sous 3 formes principales :
- Fonction législative : élaborer les normes.
- Fonction exécutive : exécuter et rendre effectives les normes.
- Fonction judiciaire : résoudre les litiges qui concernent l’Etat par rapport aux particuliers mais aussi les particuliers entre eux.
Fonctions de l’Etat selon Carré de Malberg : “formes diverses sous lesquelles se manifeste l’activité dominatrice de l’Etat” : on distingue traditionnellement trois fonctions juridiques de l’Etat.
Montesquieu (1689-1755), De l’esprit des lois, 1748, Livre XI chapitre VI. “Il y a, dans chaque Etat, trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil”.
Ces trois fonctions sont toujours présentes aujourd’hui et constituent donc les différentes fonctions de l’Etat moderne. Mais pour préciser un peu le concept d’Etat moderne, l’on va un approfondissement sur deux points principaux, le premier concerne les conceptions de l’Etat et le second concerne les différents critères de l’Etat aujourd’hui.
Les conceptions de l’Etat
L’Etat évolue à travers les époques ce qui renvoie à l’idée plus générale qu’il n’y a pas qu’une seule définition de l’Etat. Plusieurs définitions de l’Etat coexistent, il n’y a pas « une » bonne définition, tout dépend du sens que l’on veut donner à l’Etat. Par exemple, on peut donner plusieurs définitions à l’Etat :
- Une définition géographique
Les géographes peuvent définir un Etat comme une « entité artificielle qui se superpose aux régions naturelles ». On voit donc le rapport entre le territoire et l’organisation étatique, le territoire est dans ce sens ce qui est vrai, naturel et l’Etat serait artificiel, il serait accolé aux réalités géographiques.
- Une définition juridique
Celleposée par Raymond Carré de Malberg (1861-1935, a apporté sa contribution à la théorie générale de l’Etat) qui dit « l’Etat est un être de droit en qui se résume abstraitement la collectivité nationale ou la personnification de cette dernière ».
Cette définition qui est la base de la définition de l’Etat dans tout le droit constitutionnel moderne peut être précisée selon 2 conceptions :
Une conception large de l’Etat
Ellecorrespond au fait que l’Etat est une personne morale, ce qui permet d’expliquer la pérennité de l’Etat et de ses engagements.
Continuité de l’Etat : en tant que personne morale, un changement de gouvernement, de régime, ne remet pas en cause son existence, ses droits et obligations.
Ex : Révolution bolchévique (1917) et continuité de l’Etat
Par exemple, on remarque que les alternances politiques dans les institutions n’entrainent pas la fin de l’Etat, un nouvel Etat ne prend pas forme à chaque nouvelle élection présidentielle en France ou du premier ministre au Royaume-Uni. L’Etat est une personne morale pérenne, indépendante des différents pouvoirs politiques et différents acteurs politiques. Ce qui explique pourquoi quand l’Etat contracte des engagements internationaux ou une dette, cette dette se poursuit dans le temps car l’Etat est une personne morale pérenne et que les acteurs politiques héritent du passé de l’Etat.
Ex : La Russie succède, en 1991, à l’URSS au sein des organes de l’ONU : http://www.un.org/depts/dhl/dhlf/unms/russianfederation.shtml
Dans ce sens large au sens d’une personne morale, l’Etat est une puissance publique, on peut également appeler l’Etat les pouvoirs publics, on peut donc aussi bien employer le terme de chef d’Etat, de dette de l’Etat, d’actions de l’Etat, de personnification de l’Etat… L’Etat est un tout au sens large.
Une conception plus restreinte, nécessairement plus technique
L’Etat est « une collectivité humaine stabilisée au sein de laquelle la contrainte est monopolisée ». La vision est plus technique, essentiellement juridique et basée sur quelques critères très précis. Ci-après, les différents critères de l’Etat.
Les différents critères qui définissent un Etat aujourd’hui
Définition de l’Etat par le professeur Jean Gicquel : « l’Etat est un groupement humain fixé sur un territoire déterminé et sur lequel une autorité politique exclusive s’exerce ».
Cette définition de Gicquel permet d’identifier 3 critères qui sont nécessaires pour attester de la présence d’un Etat :
La population : « groupement humain »
Population : ensemble limité d’individus soumis à un ordre juridique déterminé à l’exclusion de tout autre (élément objectif).
C’est un groupe d’individus très étendu ou très réduit, l’on pense à toutes les différences de population entre les différents Etats grands ou petits. Ce premier point un peu simple voire simpliste peut néanmoins avoir de grandes conséquences et être plus complexe qu’en apparence. En effet, c’est à partir de ce concept de population que différents enjeux apparaissent, mais des enjeux très clivant dans l’histoire moderne de l’Etat. En effet, quid de l’idée de vivre ensemble de la population, est-ce que c’est un critère ? On ne sait pas, c’est un élément discutable. Qu’est-ce que la nation par rapport à ce critère de la population ?
Nation : une communauté humaine réunie par une volonté de vivre ensemble, partageant une communauté de valeurs (élément subjectif).
Que penser de la guerre et de l’éclatement par exemple de la Yougoslavie en une multitude de petits Etats appelés maintenant « les Etats de l’ex-Yougoslavie » ?
Éclatement de la Yougoslavie (1990-1999) : http://www.ina.fr/video/CAB99013628
États de l’ex-Yougoslavie : Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, République de Macédoine, Monténégro, Serbie, Slovénie
Cette volonté de vivre ensemble se rapport à ce critère de population. Quid de l’Etat nation, est-ce que la population forme la nation ?
Etat-Nation : notion utilisée quand certains peuples ayant un fort sentiment d’appartenance à une nation ne disposent pas de territoire leur permettant de constituer un Etat (ex : le peuple kurde, arménien).
Ces points seront vus plus tard dans le cursus. On rajoutera plus tard la colonisation, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui sont d’autres éléments qui mettent en perspective la difficulté de saisir ce que peut être la population au-delà du critère d’avoir un ensemble d’individus présents.
Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : énoncé dès le premier article de la Charte des Nations Unies, il sera développé, s’agissant de la décolonisation dans la Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale des Nations Unies, 1960 : http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/1514(XV)
Le territoire
Territoire, selon Carré de Malberg : “une communauté nationale n’est apte à former un Etat qu’autant qu’elle possède une surface de sol sur laquelle elle puisse s’affirmer comme maîtresse d’elle-même et indépendante“.
Aucune spécificité sur la géographie que devrait contenir ou non ce territoire, simplement « le territoire ». Par contre, le territoire est à mettre en perspective sous une autre manière, le territoire doit correspondre au territoire sur l’Etat assure seul son autorité.
La frontière maritime d’un État est régie par la Convention de Montego Bay, 1982 http://www.un.org/depts/los/convention_agreements/texts/unclos/unclos_f.pdf
La frontière aérienne d’un État est régie par la Convention de Chicago, 1947 : https://www.icao.int/secretariat/legal/List of Parties/Chicago_FR.pdf
Autrement dit qu’il n’y ait qu’un seul Etat sur le territoire. Il ne peut pas y avoir plusieurs Etats sur un même territoire sinon l’on a un conflit territorial, c’est-à-dire que deux Etats revendiquent la même partie d’un territoire. Par ex, la Crimée avec la Russie qui en a annexé une partie avec un référendum qui a été plus ou moins invalidé dans la communauté internationale.
Pour comprendre les enjeux liés à la Crimée : http://www.liberation.fr/video/2014/03/13/deux-minutes-pour-comprendre-les-enjeux-du-referendum-en-crimee_986568
La crise en Crimée : http://www.lemonde.fr/europe/video/2015/03/11/de-la-crise-a-la-guerre-un-an-de-conflit-en-ukraine-en-5-minutes_4591456_3214.html
Dans tous les cas il y a eu une rivalité d’Etats sur un même territoire.
L’organisation politique et juridique
Puissance publique selon le professeur Combacau : appareil gouvernemental possédant seul (pas de gouvernement rival) et de manière indépendante (sans influence extérieure) la maîtrise du pouvoir normatif et de contrainte sur un territoire et une population donnés.
C’est le plus important car c’est le critère qui donne sa consistance à l’Etat, c’est –à-dire son sens concret, sa représentation physique.
« Physique » c’est-à-dire que c’est l’autorité politique exclusive, c’est-à-dire une organisation qui assure le maintien et la continuité de l’Etat.
Ex d’État fantoche selon une partie de la communauté internationale : la République turque de Chypre depuis 1983 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chypre_du_Nord
On parle en ce sens d’Etat souverain, c’est la souveraineté de l’Etat.
Souveraineté : caractère suprême d’une puissance qui n’est soumise à aucune autre.
La souveraineté est le pouvoir du droit, de l’ordre juridique. Il peut y avoir plusieurs ordres juridiques mais dans le respect de l’ordre juridique de l’Etat. Le pouvoir de l’Etat signifie que l’Etat a la compétence de sa compétence, il n’y a aucun autre pouvoir qui peut rivaliser avec l’Etat, avec l’organisation politique et administrative.
Pour Jean Bodin en 1976, penseur de l’Etat, avait notamment dit que « cette souveraineté est le pouvoir suprême de l’Etat ». Jean Bodin (1529-1596), Les Six Livres de la République.
C’est cette souveraineté étatique, souveraineté des Etats qui permet d’affirmer que les Etats sont égaux entre eux, car chaque Etat dispose de sa souveraineté.
Devoir de non-ingérence = interdiction d’interférer dans la sphère d’action d’un Etat sans autorisation de celui-ci : principe fondamental de l’ONU, article 2§7 de la Charte des Nations Unies, 1945, développé dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre Etats, 24.10.1970 https://treaties.un.org/doc/source/docs/A_RES_2625-Frn.pdf
Mais la souveraineté peut être de 2 types :
La souveraineté interne : correspond à la souveraineté à l’intérieur des frontières du territoire de l’Etat. A l’intérieur de ce territoire, l’Etat doit avoir le monopole de la force publique, de l’édiction et du respect du droit. On dit que l’Etat a le monopole de la violence légitime à l’intérieur de ses frontières.
Souveraineté interne : la puissance publique exerce ses compétences sur le territoire et les personnes qui s’y trouvent et détient pour cela le monopole de la force publique et de l’édiction des normes juridiques.
Externe : correspond à la souveraineté à l’extérieur du territoire de l’Etat.
Souveraineté externe : aucune autorité n’est supérieure à l’Etat dans la sphère internationale.
Ce type de souveraineté porte donc sur la relation que peuvent avoir différents Etats entre eux mais également sur la relation que peut avoir un Etat avec des organisations supranationales ou supra-étatiques.
Article 4 de la Charte des Nations Unies, 1945 : ” 1. Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres États pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et, au jugement de l’Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le faire. 2. L’admission comme Membres des Nations Unies de tout État remplissant ces conditions se fait par décision de l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité.”
Par exemple, dans quelle mesure un Etat est membre de l’ONU, dans quelles mesures délègue-t-il sa souveraineté ?
Adhésion à l’Union européenne : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/fonctionnement/enjeux-reformes/quelles-sont-conditions-modalites-adhesion-union-europeenne.html
Que retenir de ces 3 critères ?
Les critères population et territoire sont essentiels, deux critères qui ont été l’objet (et sont toujours l’objet) de conflits et de guerres, que ce soit la population avec les différents éclatements de l’Etat qui peuvent exister, que ce soit les rivalités territoriales entre Etats, mais cela est en grande partie étudié par le Droit International ou par l’étude des relations internationales en Science Politique.
Pour le droit constitutionnel et institutions politiques, c’est surtout le troisième critère, critère de l’organisation politique et juridique de l’Etat qui est important. Ce critère porte sur l’organisation territoriale de l’Etat et les différentes institutions qui permettent à l’Etat d’exercer son autorité sur son territoire et sur sa population.
A l’intérieur de ce troisième critère, l’Etat peut prendre différentes formes.
LES FORMES D’ETAT
L’état peut se différencier selon son organisation politique et administrative c’est-à-dire selon son organisation interne. Traditionnellement le droit constitutionnel distingue deux formes d’organisation l’état unitaire et l’état fédéral mais il existe aussi des variantes.
L’Etat unitaire
L’exemple principal de l’Etat unitaire est la France. Dans les définitions, l’Etat unitaire est défini par le Professeur Pactet :
Pierre Pactet (1923-2012) : « L’Etat est défini comme celui qui sur son territoire et pour la population qui y vit, ne comporte qu’une seule organisation politique et juridique (…) dotée de la plénitude de sa souveraineté. »
L’Etat est donc une structure fortement centralisée dans l’Etat unitaire.
Pour des raisons historiques bien connues sur l’Etat unitaire en France, depuis la monarchie, et la centralisation, jusqu’à la Révolution, le débat entre girondins et jacobins, montagnards, et qui pose des questions très simples de relations entre « centre et périphérie » : tout cela représente les enjeux de l’Etat unitaire et particulièrement pour la France.
Principe reconnu par la première Constitution française suite à la Révolution, 1792 : “La République est une et indivisible”. http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/apparition-collectivites-territoriales/
L’organisation territoriale de l’Etat unitaire
L’organisation territoriale de l’Etat unitaire connaît 2 formes d’organisation qui permettent de répondre à la question comment est organisé territorialement l’Etat unitaire.
Selon la maxime de Napoléon III (1803-1873, président de la seconde République puis Empereur sous le second Empire de 1852 à 1870), « on peut gouverner de loin mais on administre bien que de près ». Cette citation met en avant l’idée de l’éloignement entre le centre de l’Etat unitaire et l’aspect local de l’Etat unitaire, comment l’Etat gère son niveau local, comment l’Etat administre le niveau local de son territoire.
L’Etat unitaire est organisé de 2 manières au niveau local :
Principe de la déconcentration : correspond au transfert de compétences à l’intérieur d’une même personne morale de droit publique (l’Etat). Pour l’image on peut dire que « C’est le même marteau qui frappe (marteau de l’Etat) mais on en a raccourci le manche (puisqu’il est à l’échelon local) » (Odile Barrot 1791-1873).
Déconcentration : mode d’aménagement des structures de l’administration caractérisé, au sein d’une même personne publique, par la remise du pouvoir de décision ou par la délégation de celui-ci à des organes appartenant à la hiérarchie administrative et qui lui demeure assujettis. http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/principes-collectivites-territoriales/qu-est-ce-que-deconcentration.html
= De l’Etat vers l’Etat.
La déconcentration c’est par exemple les préfets de région, les préfets de département, c’est-à-dire la représentation de l’Etat au niveau local. Ces personnes incarnent l’Etat au niveau local (régional et départemental).
Préfet : du latin praefectus (mise à la tête), haut fonctionnaire de l’Etat créé en 1800 et nommé par le Président de la République en Conseil des ministres, il est dépositaire de l’autorité de l’Etat à l’échelle locale (région ou département) : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/principes-collectivites-territoriales/quelle-est-fonction-prefet.html
Principe de la décentralisation : c’est le transfert de la compétence de l’Etat vers une autre personne morale de droit publique. Il y a 3 personnes morales de droit publique dans l’organisation territoriale (autres que l’Etat) : les régions, communes, départements.
Décentralisation : Mode d’aménagement des structures de l’administration dans lequel, la personnalité juridique ayant été reconnue à des communautés d’intérêts ou à des activités de service public, le pouvoir de décision est exercé par des organes propres à ces personnes (élues à l’échelon local et non plus nommées par les autorités centrales) agissant librement sous un contrôle de simple légalité : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions
= De l’Etat vers une autre collectivité territoriale de droit publique
Ainsi entre déconcentration et décentralisation il y a une différence de nature et non pas une différence de degré. C’est-à-dire que l’on ne peut pas dire que la décentralisation, ce soit plus ou moins que la déconcentration, c’est simplement différent. La déconcentration c’est l’Etat dans l’Etat, et la décentralisation c’est de l’Etat vers une autre collectivité territoriale de droit publique.
La décentralisation en France
La décentralisation en France a connu un processus et une évolution importante depuis la fin du 20ème siècle et même tardivement dans le 20ème siècle puisque la décentralisation en France prend réellement son essor avec les grandes lois de décentralisation de 1981 avec les lois Defferre.
Chronologie de la décentralisation en France : http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/decentralisation/chronologie/
Depuis 1981, plusieurs étapes dans la décentralisation, et la plus importante d’entre elles est la révision constitutionnelle de 2003 à l’issue de laquelle l’article 1er de la Constitution a été modifié, il précise maintenant que l’organisation de l’Etat est décentralisée. Autrement dit avec la révision constitutionnelle de 2003, la décentralisation a été constitutionalisée en France.
Constitution de la cinquième République, 1958 : Article 1. “La France est une République indivisible (…) Son organisation est décentralisée” & Titre XII : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mm/constitution/constitution.pdf
Fonctions des collectivités territoriales : http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-institutions-francaises-generalites/l-organisation-territoriale-de-la-france
Pourquoi la décentralisation ?
La décentralisation est une tendance des Etats unitaires contemporains. Elle permet de mieux répondre aux besoins locaux et des spécificités éventuelles de la population. On gouverne mieux au niveau local qu’au niveau central. Le niveau central serait éloigné de la réalité des populations locales, en tout cas ce sont les deux principes que l’on retrouve dans les débats parlementaires des différentes lois de décentralisation.
Les limites de la décentralisation
La décentralisation connaît d’importantes limites, notamment en France. Elle se déroule dans le cadre de l’Etat unitaire qui ne disparaît absolument pas. La limite principale de la décentralisation est donc que c’est l’Etat lui-même qui décide de la décentralisation. La décentralisation se passe selon les modalités décidées par l’Etat central, unitaire. Autrement dit, il y a une certaine tutelle de l’Etat central sur les différentes collectivités.
Contrôle de tutelle exercé par l’administration centrale : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/principes-collectivites-territoriales/quel-est-controle-exerce-collectivites-territoriales.html
Pour aborder concrètement les limites de la décentralisation, on peut constater que l’Etat transfère plutôt des compétences aux collectivités territoriales mais qu’il ne transfère pas toujours le budget qui va avec. Or une limite fondamentale est que l’Etat peut transférer toujours plus de compétences, s’il ne transfert pas le budget qui va avec, la décentralisation n’est pas pleinement réalisée. Cela constitue donc une limite forte pour la pérennisation de la décentralisation puisque les collectivités locales territoriales disposent de plus en plus de compétences au fur et à mesure que l’Etat les leur transfère mais les collectivités ne disposent pas de moyens pour exercer ces compétences. Cela explique notamment la hausse des impôts locaux, expliquée en partie par ces nouvelles compétences que doivent exercer les collectivités parce que l’Etat les transfère.
Le budget des collectivités locales : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/10/12/rapport-de-la-cour-des-comptes-l-etat-des-finances-publiques-locales-en-cinq-graphiques_5012602_4355770.html?xtmc=collectivite_locale&xtcr=49
Pourquoi l’Etat transfère-t-il ses compétences ?
Certes on peut dire que l’on gouverne mieux au niveau local mais aussi parce que l’Etat unitaire a une dette et qu’en transférant ces compétences, l’Etat ne dépense plus de budget pour exercer ces compétences.
Cette décentralisation s’inscrit aussi dans un schéma plus global qui est celui de la dette de l’Etat.
Au final, on peut considérer que la décentralisation n’est pas achevée en France. Elle est toujours à mettre en place, toujours à consolider, notamment pour des raisons budgétaires et financières.
- Les échecs de la décentralisation
La décentralisation a connu il y a peu quelques échecs avec différents référendums locaux qui avaient été organisés, notamment en Corse en 2003, qui permettaient à la population locale, art. 72 alinéa 1 à 4, d’approuver plus ou moins de décentralisation. Un certain nombre de ses référendums, notamment en Corse en 2003, se sont soldés par des défaites c’est-à-dire par l’échec de la décentralisation avec un vote négatif au projet du Gouvernement.
Depuis la révision constitutionnelle de 2003, le référendum local article 72-1 al.2 : “Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité”.
Echec du référendum en Corse, 2003 : http://www.liberation.fr/evenement/2003/07/07/corse-un-petit-non-et-une-grande-claque_438984
Ces différents référendums de 2003 à 2010 et même le dernier en Alsace était en 2015-2016, ont marqué des coups d’arrêt dans la décentralisation en France. Néanmoins les différents projets sont toujours présents pour poursuivre cette décentralisation.
Echec du référendum en Alsace, 2013 : http://www.lexpress.fr/region/referendum-en-alsace-les-six-raisons-d-un-echec_1238284.html
L’Etat fédéral
Le deuxième point de l’organisation de l’Etat est l’Etat fédéral avec les deux exemples classiques du droit constitutionnel que sont l’Allemagne et les Etats-Unis.
Article 30 et suivants de la Loi fondamentale allemande, 1949 : https://www.bundestag.de/blob/189762/f0568757877611b2e434039d29a1a822/loi_fondamentale-data.pdf
10ème amendement (1791) à la Constitution des Etats-Unis d’Amérique 1787.
Exemples d’Etats fédéraux : http://www.senat.fr/lc/lc242/lc242.pdf
Plus généralement, l’Etat fédéral correspond très bien aux grands Etats d’une manière géographique, c’est-à-dire les Etats dont la superficie est très étendue. D’ailleurs tous les grands Etats du monde utilisent l’organisation fédérale de l’Etat, sauf la Chine, pour des raisons politiques.
Définition de l’Etat fédéral
Etat fédéral : Groupement créé entre des unités politiques par une Constitution commune, dans lequel elles gardent certaines compétences de gouvernement, législation et juridiction, permettant de les considérer comme des Etats membres (fédérés), mais perdent leur souveraineté au profit du groupement, l’Etat fédéral disposant seul des compétences les plus importantes et de la personnalité internationale.
La définition de l’Etat fédéral est plus complexe puisqu’il s’agit d’un Etat d’Etats, c’est-à-dire que l’Etat fédéral se caractérise par la coexistence d’ordres juridiques propres aux Etats fédérés et d’un ordre juridique supérieur, celui de l’Etat fédéral. L’Etat fédéral est donc constitué de deux étages :
- L’étage supérieur : l’Etat fédéral
- L’étage inférieur : l’étage des Etats fédérés
Les 2 principes du fédéralisme
Le fédéralisme repose sur 2 principes de fonctionnement : l’autonomie des Etats membres (Etats fédérés) et la participation des Etats membres (Etats fédérés).
Le principe d’autonomie garantit la libre organisation des Etats fédérés, le pouvoir d’établir leur propre ordre juridique, leurs institutions et souvent leur Constitution. La Constitution fédérale énumère le plus fréquemment les compétences attribuées à l’Etat fédéral, toutes les autres matières sont laissées aux Etats fédérés.
La difficulté est d’arriver à un bon équilibre entre l’autonomie et la participation des Etats membres.
Exemple de mise en œuvre du principe d’autonomie : Articles 30 et 70 de la Loi fondamentale allemande, 1949.
Le principe de participation implique une représentation des Etats fédérés à la décision fédérale, par le biais du Sénat aux Etats-Unis et du Bundesrat en Allemagne.
L’autonomie et la participation se déroulent dans le cadre d’une superposition d’ordres juridiques.
Le fédéralisme repose sur 2 principes de fonctionnement :
- L’autonomie des Etats membres (Etats fédérés) : Concerne le partage des compétences et des pouvoirs entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés.
- La participation des Etats membres (Etats fédérés) : Concerne la participation des Etats fédérés au pouvoir fédéral.
Ce principe se retrouve notamment dans le bicamérisme qui est le fait d’avoir deux chambres législatives. Généralement dans les Etats fédéraux on retrouve une chambre qui est élue au suffrage universel et qui représente le peuple, et une chambre qui représente les Etats fédérés. Par exemple, le Bundesrat en Allemagne et le Sénat aux Etats-Unis.
Bicamérisme (ou bicaméralisme): le Corps législatif est divisé en deux chambres distinctes. Par exemple, s’agissant d’un Etat fédéral, en Allemagne, le Bundesrat représente les Etats fédérés (participant ainsi au pouvoir législatif fédéral) et le Bundestag la Nation.
L’Etat fédéral est donc organisé constitutionnellement autour de ces deux principes, autonomie et participation :
- Qui garantissent, pour l’un, la libre organisation des Etats fédérés dans le respect de l’Etat fédéral.
- Qui garantissent, pour l’autre, la participation des Etats fédérés à la législation et au pouvoir politique de l’Etat fédéral.
La difficulté est ici l’équilibre, l’harmonisation entre les deux, beaucoup d’autonomie, de participation, ou à l’inverse faible autonomie, faible participation mais c’est aussi un équilibre entre les différents Etats fédérés puisque si l’Etat fédéral est un Etat d’Etats, alors tous les Etats fédérés ne sont pas identiques.
Par exemple, la différence simple entre la Californie qui pourrait être la sixième puissance mondiale et le Vermont. Une telle différence de population, une telle différence de PIB par Etat peut créer nécessairement des rivalités.
La Californie : sixième puissance économique mondiale : http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/06/16/20002-20160616ARTFIG00178-la-californie-devient-la-sixieme-puissance-economique-mondiale-devant-la-france.php
Carte des Etats-Unis : PIB selon les Etats fédérés : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/cartes/economie-et-indicateurs/c001558-pib-par-etat-et-pib-par-habitant-aux-etats-unis-en-2012
C’est la même chose en Allemagne entre la Bavière et les ex länder de l’Est.
Carte de la République fédérale allemande : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/cartes/economie-et-indicateurs/c001352-pib-et-pib-par-habitant-des-laender-allemands-en-2009
Ces différences doivent être réglées, conciliées dans le cadre étatique.
Mise en perspective de l’Etat unitaire et de l’Etat fédéral
Pour synthétiser et mettre en perspective à la fois l’Etat fédéral et l’Etat unitaire, ces deux formes d’Etat, on constate 2 tendances globales et contemporaines au niveau du droit constitutionnel :
- Les Etats unitaires ont tendance à aller plus sensiblement vers de la décentralisation. Plus de décentralisation parfois même d’autonomie, en tout cas un transfert de compétences vers le local.
- Du côté de l’Etat fédéral, on constate la logique inverse : une centralisation des compétences et du pouvoir des Etats fédérés vers l’Etat fédéral.
On assiste donc à une sorte de mouvement parallèle mais en sens contraire entre l’Etat unitaire qui va vers le local et l’Etat fédéral qui va vers le niveau central.
Les autres formes étatiques
On peut envisager de nouvelles formes de l’organisation territoriale de l’Etat.
L’Etat régional
Rapidement puisque ce point est assez discuté dans les recherches de Droit Constitutionnel mais nous pouvons parler du cas de l’Etat régional.
Etat régional : forme d’Etat évolutive où le cadre institutionnel reste celui d’un Etat unitaire mais où l’autonomie des collectivités territoriales n’est plus seulement administrative mais aussi politique et institutionnelle, ce qui se traduit par des compétences propres, constitutionnellement garanties et de nature législative.
Exemple : Article 2 de la Constitution espagnole, 1978 : “La Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent (…)”.
Etat régional correspond principalement à l’Espagne et l’Italie (voire au Royaume Uni).Il est apparu avec les Constitutions postérieures à la Seconde Guerre Mondiale.
Il y a un maintien des principes de l’Etat unitaire mais une inclinaison vers le fédéralisme. C’est un Etat unitaire dans lequel il n’y a pas seulement une décentralisation il y a aussi une véritable autonomie qui est accordée aux différentes provinces locales.
Il y a des spécificités locales tellement fortes, par exemple la Catalogne ou au Pays Basque en Espagne, à la Sicile en Italie qui font que ces collectivités territoriales ont été particulièrement reconnues par le droit constitutionnel au sens où elles peuvent avoir leur propre langue locale officielle, elles disposent de la capacité de faire la loi au niveau local, ce que ne nous retrouvons pas dans l’Etat unitaire en France, on ne retrouve pas un parlement au niveau local.
Statut de la Catalogne : Loi organique 6/2006 du 19 juillet 2006, portant réforme du statut d’autonomie de la Catalogne : http://web.gencat.cat/en/generalitat/estatut/estatut2006/
La Catalogne et son indépendance : http://www.lemonde.fr/europe/video/2017/09/22/pourquoi-les-catalans-souhaitent-ils-etre-independants_5189999_3214.html
L’Europe
Le cas de l’Europe interroge un certain nombre de notions du droit constitutionnel, ce sont des interrogations intéressantes mais si l’on connaît la réponse. Evidemment, l’Europe ou l’Union Européenne ne crée pas un nouveau type d’Etat.
Une fédération ?
La question à se poser est est-ce qu’éventuellement l’UE correspond à un fédéralisme, est-ce que le cadre des Etats est renouvelé par leur adhésion à l’UE ?
En ce sens on peut parler des transferts de souveraineté :
- avec la monnaie,
- avec la capacité législative,
- avec l’ordre juridictionnel,
- avec les frontières (le territoire) de l’Europe,
- avec une représentation politique : le ministre des Affaires Etrangères de l’UE.
Relation entre Union européenne et ses Etats membres : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/fonctionnement/france-ue/quelles-sont-relations-entre-droit-europeen-droit-national.html
Le statut particulier de l’Union européenne : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/approfondissements/europe-regions-nations-federale.html
Tous ces éléments interrogent la création éventuelle d’un Etat fédéral pour l’UE. Mais en réalité, il n’y a pas d’Etat fédéral quand on parle d’UE car il n’y a pas de souveraineté européenne, il n’y a pas la primauté d’une Constitution européenne sur la Constitution des Etats membres.
De plus, on ne peut pas considérer un Etat fédéral parce qu’à la base, l’UE n’était pas une organisation politique. L’histoire de l’Europe, au sens organisation institutionnelle et politique, est une histoire économique avec la CECA et qu’il y a également des difficultés à s’entendre entre peuples européens, la difficulté à parler d’une seule voix au nom de l’UE.
La construction européenne : http://www.strasbourg-europe.eu/les-grandes-etapes-de-la-construction-europeenne,3375,fr.html
Une confédération
De manière plus pertinente, on peut considérer l’UE peut être assimilée à une confédération qui est un autre type d’Etat, d’organisation territoriale reconnue par le droit constitutionnel.
Confédération : association d’Etats qui, par traité (et non par une Constitution), décident d’exercer par l’intermédiaire d’organes communs un certain nombre de compétences. Chaque Etat membre conserve la plénitude de sa personnalité juridique et de sa souveraineté.
Hugues Portelli défini la confédération « comme une association d’Etats souverains qui mettent en commun certaines compétences et se dotent d’organismes qui les gèrent. Les relations entre les Etats sont régis par un traité international. »
En ce sens, l’UE peut prétendre à être assimilée à une confédération.
Conclusion
Pour synthétiser, un dernier point, pour resituer les différents types d’Etats en fonction de deux critères.
L’Etat Unitaire est mono-constitutionnel, une seule constitution, et mono-législatif, un seul parlement.
L’Etat régional est mono-constitutionnel, une seule constitution (en Espagne ou en Italie) mais il est pluri-législatif, il y a des parlements au niveau des collectivités territoriales autonomes.
L’Etat fédéral est pluri-constitutionnel, puisque chaque Etat fédéré a sa propre Constitution en plus de celle de l’Etat fédéral, et pluri-législatif, plusieurs parlements, entre les Parlements des Etats fédérés et le Parlement de l’Etat fédéral.
C’est tout pour ce cours de droit constitutionnel consacré à la notion d’Etat.