Cette dissertation juridique corrigée porte sur un chapitre essentiel du cours de droit administratif : les critères d’identification du contrat administratif.
Ce devoir réalisé par Louna a reçu la note de 12.5/20 !
Sujet : les critères du contrat administratif
« Le contrat administratif suppose essentiellement deux contractants, qui se reconnaissent placés sur un pied d’inégalité » a dit Gaston Jèze. En effet, le contrat administratif se caractérise notamment par les pouvoirs exorbitants qu’il confère à l’administration.
Un contrat administratif est un contrat passé par une personne publique soumis au droit administratif, soit par disposition expresse de la loi, soit en raison de la présence de clauses exorbitantes du droit commun dans ses stipulations, soit parce qu’il confère à son titulaire une participation directe à l’exécution d’une activité de service public. Ainsi, tous les contrats de personnes publiques ne sont pas des contrats administratif, certains étant soumis aux règles du droit privé.
Les contrats de droit privé sont soumis au droit commun des obligations. Cependant, les contrats en droit administratif sont des contrats de droit public et sont donc soumis à la juridiction administrative et à des règles spéciales. La qualification d’un contrat choisi par les parties importe peu, puisqu’en cas de litiges c’est le juge qui déterminera le type de contrat, en se référant soit à une qualification législative soit à une qualification jurisprudentielle. Le législateur peut qualifier indirectement un contrat, en déterminant la juridiction compétente, ou expressément.
Ainsi, il est intéressant de se demander par quels critère le contrat administratif se distingue-t-il du contrat privé ?
Le premier critère qui sera observé par le juge est le critère organique (I), et s’il est rempli, il se penchera alors sur le critère alternatif, aussi appelé critère matériel (II).
- L’invocation du critère organique
Pour qu’un contrat soit administratif, il faut qu’au moins une des parties soit une personne publique (A). Néanmoins, il existe certains cas ou un contrat conclu entre personnes privées est administratif (B).
- La nécessité d’une personne publique
Le principe est que tout contrat entre personnes publiques est un contrat administratif, soumis aux juridictions administratives. C’est la présomption d’administrativité d’un contrat passé entre deux personnes de droit public affirmée par le tribunal des conflits dans l’arrêt « UAP » rendu le 21 mars 1983. Cependant, le Tribunal des conflits, dans un arrêt du 3 mars 1969, a affirmé que si un contrat conclu entre personnes publiques ne fait naître aucune de relation de droit public, alors c’est un contrat privé. La personne publique partie au contrat peut être représentée par une personne privée, par le biais d’un mandat, ne changeant pas la nature du contrat.
Ce principe a été établi par le conseil d’Etat dans l’arrêt « Prades » du 18 décembre 1936. Le mandat n’est pas nécessairement formel. En effet, d’après l’arrêt « société d’équipement de la région montpelliéraine » du conseil d’Etat du 30 mai 1975, confirmé par le Tribunal des Conflits dans sa décision, « commune d’Agde », du 7 juillet 1975, cela vaut également lorsque le mandat est tacite ou implicite, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a qu’un faisceau d’indices ou de circonstances permettent de démontrer que la personne privée agit pour le compte d’une personne publique. De plus, les contrats accessoires de contrats administratifs sont eux-mêmes de contrats administratifs, même s’ils sont passés entre deux personnes de droit privé, mais le cas est assez rare. Le contrat accessoire est un contrat qui n’existe que par rapport à un autre contrat, le contrat principal.
Il existe cependant des contrats administratifs conclus entre personnes privées (B).
- L’exception des contrats conclus entre personnes privées
Le conseil d’Etat, dans son arrêt de section du 13 décembre 1963 aussi appelé « syndicat des praticiens de l’art dentaire du département du Nord », a affirmé que les contrats conclus entre personnes privées relèvent à priori du droit privé. Cette décision a été confirmé par le tribunal des conflits dans sa décision « société Interlait » du 3 mars 1969. Néanmoins, il existe plusieurs exceptions à ce principe. En effet, il a déjà été dit que selon l’arrêt « Prades » du conseil d’Etat, en date du 18 décembre 1936, la personne publique partie au contrat peut être représentée par une personne privée par le biais d’un mandat, y compris lorsque celui-ci est tacite.
De plus, dans sa décision du 8 juillet 1963, « société entreprise Peyrot », le tribunal des conflits a déterminé que le contrat conclu entre deux personnes privées était administratif si l’objet du contrat appartenait à l’Etat par sa nature, les cocontractants agissant indirectement pour l’Etat qui est une personne morale de droit public. Cependant, le tribunal des conflits a atténué ce principe dans sa décision « société ASF » du 9 mars 2015, en affirmant qu’une personne privée ne peut agir pour le compte de l’Etat, excepté si des clauses du contrat le précise. Mais cette décision n’est applicable qu’aux contrats conclus à partir du 9 mars 2015.
Ainsi, la distinction entre contrat administratif et contrat privé est parfois floue. C’est pour cette raison qu’il existe un autre critère de distinction, appelé critère alternatif ou critère matériel (II).
- La précision de la distinction avec le critère matériel
Le critère matériel est aussi appelé critère alternatif parce qu’il se divise en deux branches. En effet, pour le contrat soit administratif il peut soit relever d’un régime exorbitant du droit commun (A), soit avoir un lien avec l’exécution du service public (B).
- La particularité du régime exorbitant du droit commun
Pour que le contrat relève d’un régime exorbitant il faut une ou plusieurs clauses exorbitantes. A l’origine, le Conseil d’Etat a défini la clause exorbitante comme la clause inhabituelle, voire illégale, en droit privé car elle crée des obligations que l’on ne trouve jamais en droit privé, dans son arrêt du 31 juillet 1912 « société des granits porphyroïde des Vosges ». Mais le Tribunal des Conflits a fait évoluer cette définition. En effet, dans sa décision « AXA France Yard », datant de 2014, il redéfinit la clause exorbitante comme celle qui propose des avantages exorbitants du droit au commun, justifié par les besoins de l’intérêt général.
Ainsi, le prérogative de puissance publique permet aux parties du contrat d’avoir des pouvoirs exorbitants. Il existe des cas ou le contrat n’a aucune clause exorbitante, mais le juge détermine que le contrat en lui-même est exorbitant, et donc administratif. C’est le principe posé par le conseil d’Etat dans sa décision « société d’exploitation électrique de la rivière du Sant » du 19 janvier 1973. De plus, un service public industriel et commercial est un service public soumis principalement aux règles de droit privé et à l’ordre juridique juridictionnel. Ainsi, dans l’arrêt de 1962 « dame Bertrand » du Tribunal des Conflits affirme que tout contrat conclu entre un service public industriel et commercial et ses agents ou usagers est un contrat privé.
La deuxième branche du critère alternatif, qui permet de distinguer un contrat administratif d’un contrat de droit privé, est le lien de ce contrat avec le service public (B).
- L’exigence d’un lien avec le service public
Si le contrat a pour objet de faire fonctionner le service public, alors il s’agira d’un contrat administratif puisque c’est la prérogative de puissance publique. Ainsi, dans sa décision « époux Bertin » du 20 avril 1946, le conseil d’Etat affirme le critère constant selon lequel tout contrat dont les cocontractants participe directement à l’exécution d’un service public est un contrat administratif.
De plus, d’après la décision du conseil d’Etat du 20 avril 1956, « consorts Grimouard », si le contrat lui-même a pour objet l’exécution d’un service public, que c’est sa conclusion qui fait fonctionner le service public, alors il s’agit également d’un contrat administratif. Enfin, tout contrat conclu entre un agent et l’administration qui l’emploi est un contrat administratif, ce principe étant affirmé par le Tribunal des Conflits dans sa décision du 25 mars 1996, aussi appelée l’arrêt « Berkani ». Ainsi, lorsqu’un contrat a un lien étroit ou plus indirect avec le service public, il sera administratif.
C’est tout pour cette dissertation juridique de droit administratif intégralement rédigée et corrigée sur le sujet du contrat administratif et ses critères d’identification.