Tu es étudiant en deuxième année de droit à l’université et la responsabilité civile est, pour toi, une matière difficile à appréhender ?
J’ai spécialement rédigé pour toi cet article concernant le régime de l’indemnisation des victimes d’un accident de la circulation (régime issu de la loi Badinter de 1985).
Une fois la lecture de cet article juridique terminée, ce chapitre essentiel de ton cours n’aura plus aucun secret pour toi.
I. LES ORIGINES DE LA LOI BADINTER DU 5 JUILLET 1985 :
A. L’ARRÊT DESMARES :
L’arrêt Desmares a été rendu le 21 juillet 1982 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, il s’agit d’un « arrêt de provocation. »
Cette décision directement été à l’origine d’une réaction du législateur qui a abouti à l’adoption de la loi Badinter du 5 juillet 1985 également qualifiée de « loi tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation. »
L’arrêt Desmares a la réputation d’être un « arrêt de provocation » car sa décision est profondément sévère.
Par l’arrêt Desmares la Cour de cassation a consacré le principe selon lequel seule la force majeure pourra être retenue comme une cause valable d’exonération totale ou partielle de la responsabilité du conducteur.
Le juge a souhaité rendre une décision profondément injuste et choquante pour aboutir à une réaction législative visant à indemniser davantage les victimes non conductrices d’un accident de la circulation.
Ce sera chose faite avec l’adoption de la loi Badinter du 5 juillet 1985.
B. UN RÉGIME SPÉCIAL D’INDEMNISATION :
La particularité de la responsabilité civile réside dans ses nombreux régimes de responsabilité qui permettent l’indemnisation des victimes.
Les régimes prévus par la responsabilité civile peuvent prendre la forme de régimes généraux mais également de régimes spéciaux.
Pour résumer, il existe quatre régimes spéciaux en droit de la responsabilité civile, nous allons désormais en dresser un aperçu.
LA VARIÉTÉ DES RÉGIMES SPÉCIAUX :
1) LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES ANIMAUX :
Le régime spécial de la responsabilité du fait des animaux prévu à l’article 1243 du Code civil a vocation à engager la responsabilité civile du propriétaire (maître d’un animal), que ce dernier soit en sa présence lorsqu’il commet un dommage comme une morsure (ex : si un chien mord un enfant).
La victime d’un chien (ex : un enfant qui jouait dans un jardin) bénéficiera d’une indemnisation en raison de l’application de ce régime spécial du fait des animaux, car le maître de l’animal est légalement débiteur d’une obligation de surveillance de son animal de compagnie.
L’indemnisation ne sera pas possible si le dommage résulte du fait d’un animal sauvage, les animaux sauvages ne sont pas concernés par ce régime.
Le régime de la responsabilité civile du fait des animaux n’a pas vocation à s’appliquer aux res nullius : animaux errants et gibier (il s’applique toutefois aux animaux apprivoisés + animaux issus des zoos et des cirques).
2) LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES BÂTIMENTS EN RUINE :
L’article 1244 du Code civil (ancien article 1386) dispose en ces termes :
« Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction. »
3) LA LOI BADINTER (1985) :
C’est ce régime spécial, qualifié de régime d’indemnisation des victimes d’un accident de la circulation, qui fera l’objet d’une étude approfondie dans la suite de l’article.
4) LE RÉGIME DES PRODUITS DÉFECTUEUX (LOI DE 1998) :
Le régime relatif aux produits défectueux issu de la loi promulguée le 19 mai 1998.
Cette loi résulte d’une incorporation en droit français d’une directive, autrement-dit d’un acte de droit dérivé, datant du 25 juillet 1985.
La France avait été condamnée pour manquement à son obligation de transposition de la directive communautaire dans son droit interne. Par la loi du 19 mai 1998 elle honora ses engagements de transposition pour donner naissance à ce régime spécial d’indemnisation des victimes en droit français.
Ce régime spécial a pour objectif de tendre vers l’indemnisation des victimes de défaut(s) de sécurité d’un produit qui a fait l’objet d’une mise en circulation sur le marché.
II. LES CONDITIONS D’APPLICATION DU RÉGIME :
Plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies pour que le régime de la responsabilité du fait des accidents de la circulation puisse s’appliquer :
1) UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION :
Concernant cette première condition il est primordial de préciser que l’accident pris en charge par ce régime d’indemnisation sera celui qui a été causé sur la voie publique.
Le VTAM doit avoir été soit en état de stationnement sur la voie publique soit en état de déplacement pour que le régime ait vocation à s’appliquer.
IMPORTANT : Le régime aura également vocation à s’appliquer si le dommage (ex : une collision) s’est produit “dans un lieu privé”.
La loi de 1985 produira également ses effets si l’accident implique un tramway qui évoluait sur sa propre voie de circulation.
C’est ce qu’a affirmé la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 mars 2004 : le régime s’applique lorsque l’accident a eu lieu sur une voie privée.
Attention, il faut toutefois préciser que le véhicule terrestre à moteur doit obligatoirement avoir été utilisé comme engin de déplacement lors de la survenance du dommage.
Le régime d’indemnisation des victimes d’un accident de la circulation ne sera pas applicable si le dommage a été causé par un VTAM en dehors de toute fonction de déplacement.
2) UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION IMPLIQUANT UN VTAM :
Le véhicule ayant été impliqué dans l’accident, par exemple dans une collision, doit impérativement être un véhicule terrestre à moteur.
Pour autant, il ne faut pas être trop restrictif car cette catégorie est plus large que tu ne pourrais l’imaginer.
A tort, bien souvent la voiture est l’un des seuls engins à moteur que les étudiants citent en exemple dans leur copie en guise d’illustration.
CAS CONCRET : LA TROTTINETTE ÉLECTRIQUE
Mamie Gertrude âgée de 87 ans vient tout juste de terminer sa séance de muscu et s’apprête à quitter les lieux pour rejoindre Papy Bernard sur son scooter.
En franchissant le trottoir (voie publique) la pauvre mamie est renversée par une trottinette électrique, nouveau moyen de transport à la mode.
Le régime de la loi Badinter de 1985 aura-t-il vocation à s’appliquer pour indemniser la malheureuse ?
La réponse est oui car la trottinette électrique entre parfaitement dans la vaste catégorie des véhicules terrestres à moteur.
3) LE RÔLE ACTIF DANS LA SURVENANCE DU DOMMAGE :
Cette condition signifie que le véhicule terrestre à moteur doit avoir été directement impliqué dans la survenance du dommage, il est impliqué dans le dommage causé.
Autrement dit, sans l’implication du VTAM il n’y aurait jamais eu de dommage causé à la victime.
À ce titre il est nécessaire d’opérer la distinction entre deux hypothèses qui entraînent l’application de règles juridiques distinctes : le contact entre le VTAM + le siège du dommage et l’absence de contact entre le VTAM + le siège du dommage.
– PREMIÈRE HYPOTHÈSE : LE CONTACT
En cas de contact entre le véhicule terrestre à moteur et le siège du dommage, que celui-ci fut en mouvement ou à l’arrêt, la présomption retenue par le juge civil sera une présomption irréfragable.
Précisons à ce titre que la présomption irréfragable est celle qui ne peut pas être combattue, il sera, en conséquence, impossible pour l’auteur du dommage de combattre ladite présomption via l’apport de la preuve contraire. La présomption irréfragable ne peut jamais être combattue !
– DEUXIÈME HYPOTHÈSE : L’ABSENCE DE CONTACT
En cas d’absence de contact entre le VTAM et le siège du dommage la charge de la preuve reposera intégralement sur la victime.
C’est la victime qui sera contrainte à rapporter les éléments de preuve au juge afin d’établir la réelle implication du véhicule terrestre à moteur.
IMPORTANT : L’absence de contact entre le VTAM et le siège du dommage n’a pas pour effet d’exclure de facto toute implication de ce dernier.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 mai 1994 a considéré que l’absence de contact n’était pas un obstacle à l’implication du VTAM dans la réalisation de l’accident.
4) LE VTAM DOIT ÊTRE EN ÉTAT DE CIRCULATION :
Cette dernière condition à satisfaire afin de mettre en œuvre le régime d’indemnisation signifie que le VTAM ne doit pas avoir été à l’arrêt lorsque le dommage a été causé.
Si le véhicule était à l’arrêt au moment de la collision il ressort de la loi Badinter de 1985 que le régime ne pourra pas produire ses effets, il sera inapplicable.
III. LA QUALITÉ DE LA VICTIME :
La loi du 5 juillet 1985 s’appliquera aux victimes d’accident de la circulation peu importe leur qualité de conducteur ou de non-conducteur.
Autrement dit, le régime de responsabilité du fait des accidents de la circulation s’appliquera aussi aux victimes cyclistes, piétons et pas exclusivement aux conducteurs de VTAM.
IV. LES POSSIBLES CAUSES D’EXONÉRATION DU CONDUCTEUR :
En réalité, la loi Badinter du 5 juillet 1985 prévoit une seule et unique cause possible en ce qui concerne l’exonération du conducteur du véhicule terrestre à moteur.
Cette unique cause d’exonération de sa responsabilité civile est la faute de la victime à l’origine de son propre dommage : la faute inexcusable.
A. LA FAUTE INEXCUSABLE DE LA VICTIME :
La loi Badinter parle de « faute inexcusable » pour viser toutes les fautes d’une gravité extrême commises par la victime non-conductrice.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 2 mars 2017 a défini la faute inexcusable comme une faute « d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. »
L’article 3 de la loi Badinter du 5 juillet 1985 considère que la faute inexcusable ne peut en aucun cas conduire à l’indemnisation des victimes non-conductrices de VTAM « si elle a été la cause exclusive de l’accident. »
B. A RETENIR :
Le régime de la responsabilité du fait des accidents de la circulation n’admet pas l’invocabilité du fait d’un tiers ou de la nature par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur afin d’obtenir une exonération même partielle de sa responsabilité civile.
Autrement dit, le conducteur d’un VTAM n’est pas recevable à invoquer le fait du tiers ou le fait de la nature pour s’exonérer de sa responsabilité en cas de dommage.
C’est tout pour cet article juridique complet et détaillé consacré au régime de l’indemnisation des victimes d’un accident de la circulation en droit de la responsabilité civile.
Merci d’avoir lu cet article, je te souhaite de passer une agréable journée et à bientôt sur mon blog!