Tu es étudiant en deuxième année de licence juridique et ton cours de droit pénal général te pose quelques problèmes de compréhension?
Pas d’inquiétude, j’ai intégralement rédigé pour t’aider cet article juridique consacré à une célèbre jurisprudence rendue par la chambre criminelle de la Cour de cassation : l’arrêt Perdereau.
Dans un premier temps, nous analyserons en profondeur cette grande décision de la chambre criminelle (I) pour ensuite revenir sur les différentes étapes de l’iter criminis : le chemin du crime (II).
I. L’ARRÊT PERDEREAU (1986)
DATE, JURIDICTION, THÈME :
L’arrêt Perdereau a été rendu le 16 janvier 1986 par la chambre criminelle de la Haute juridiction de l’ordre judiciaire, la Cour de cassation.
Il s’agit d’une décision emblématique consacrée à l’infraction impossible, c’est-à-dire à la reconnaissance de la possible tentative d’homicide volontaire sur un cadavre.
Notons également le fait que cette jurisprudence a fait l’objet d’une publication au Bulletin criminel.
QUELS SONT LES FAITS?
Les faits du cas d’espèce de l’arrêt Perdereau sont les suivants :
En l’espèce, Monsieur Félix X a asséné, à la suite d’une bagarre, de violents et de nombreux coups sur la tête d’un homme, notamment en utilisant une barre de fer.
L’homme était déjà à terre lorsque Monsieur Félix X a décidé de le frapper, de le rouer de coups de bouteille et de barre de fer tout en l’étranglant.
Félix X l’ignorait à cet instant précis, c’est-à-dire au moment où il donnait les coups, mais la victime qu’il frappait avec une violence inouïe était déjà morte au moment où ces mêmes coups étaient portés.
Pour résumer les faits d’une manière claire et sans équivoque, il faut comprendre que Monsieur Félix B avait pour intention de tuer la victime mais il ignorait que cette dernière était déjà morte au moment où il frappait.
Comment peut-on être certain que Monsieur Félix X avait pour intention de tuer la victime?
La réponse est simple : la partie du corps privilégiée par l’auteur des coups de bouteille et des nombreux coups de barre de fer n’est autre que la tête.
Le fait de frapper une personne à la tête est parfaitement révélateur de l’intention de commettre un homicide volontaire car il s’agit d’une partie du corps humain extrêmement sensible et vulnérable aux coups.
LA PROCÉDURE?
Un arrêt rendu le 11 juillet 1985 par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris a retenu la qualification de tentative d’homicide volontaire à l’encontre de Monsieur Félix X.
Par son arrêt précité la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris décide de renvoyer ce dernier devant la Cour d’Assises de l’Essonne.
LA QUESTION DE DROIT?
La problématique qui était posée à la chambre criminelle de la Cour de cassation est la suivante :
Peut-on tenter de tuer un cadavre?
LA SOLUTION RENDUE?
Par son arrêt Perdereau rendu le 16 janvier 1986 les juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation décident de casser et annuler “en ses seules dispositions concernant Félix X” l’arrêt qui a été rendu le 11 juillet 1985 par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris.
La chambre criminelle décide par ailleurs de renvoyer l’affaire et les parties devant la Chambre d’accusation de la Cour d’appel d’Amiens.
La Haute juridiction de l’ordre judiciaire répond par l’affirmative à la problématique juridique posée car oui, il est tout à fait possible de punir un justiciable pour tentative d’homicide volontaire sur un cadavre.
Pour le dire autrement, oui, un individu peut parfaitement tenter de tuer un cadavre.
La tentative d’homicide volontaire sur un cadavre est pleinement caractérisée lorsque les deux éléments qui composent la tentative sont réunis : un commencement d’exécution et une absence de désistement volontaire.
L’article 121-5 du Code pénal dispose en ces termes :
“La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.”
En l’espèce, il n’a pas été bien complexe, pour les juges de la chambre criminelle, de caractériser la tentative d’homicide volontaire.
L’auteur des coups de bouteille et de barre de fer, Monsieur Félix X, a frappé la victime (commencement d’exécution) “avec l’intention de lui donner la mort” et ce dernier a uniquement manqué son acte en raison “de circonstances indépendantes de sa volonté” (absence de désistement volontaire).
Les “circonstances indépendantes” qui sont mentionnées par la Haute juridiction de l’ordre judiciaire font directement référence à la mort de la victime des coups de bouteille et de la strangulation, car cette dernière était déjà décédée au moment où l’auteur des violents coups, Monsieur Félix X, frappait son crâne tout en l’étranglant.
L’auteur des coups violents, en l’espèce Monsieur Félix X, avait réellement pour intention de tuer la victime, il faut noter qu’il n’a manqué son acte qu’en raison de circonstances indépendantes de sa volonté (circonstances non maîtrisées) : la victime étant déjà décédée.
Pour conclure, les juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation considèrent que la tentative d’homicide volontaire sur un cadavre est, en l’espèce, pleinement caractérisée car les deux éléments exigés par l’article 121-5 du Code pénal sont présents : le commencement d’exécution (1) et l’absence de désistement volontaire (2).
II. L’ITER CRIMINIS
Désormais, nous allons consacrer nos développements à l’analyse des différentes étapes de l’iter criminis, c’est-à-dire au chemin criminel.
Les étapes que nous examinerons sont successivement : la simple pensée (1), la résolution criminelle (2), l’acte préparatoire (3), le commencement d’exécution (4) et la consommation de l’infraction pénale (5).
1. LA SIMPLE PENSÉE
La simple pensée d’un justiciable ne peut jamais faire l’objet d’une condamnation pénale donc cette première étape du chemin criminel n’est pas punissable.
2. LA RÉSOLUTION CRIMINELLE
La résolution criminelle, tout comme l’étape précédente de l’iter criminis, ne peut jamais faire l’objet de sanctions pénales.
3. L’ACTE PRÉPARATOIRE
L’acte préparatoire, qui consiste à préparer la commission d’une infraction pénale ne peut jamais conduire à la mise en oeuvre de la responsabilité pénale d’un agent.
Il s’agit par exemple d’acheter une corde ou une tronçonneuse dans un magasin spécialisé.
4. LE COMMENCEMENT D’EXÉCUTION
Le commencement d’exécution désigne l’acte par lequel la tentative d’infraction va débuter, il s’agit d’un événement punissable en droit pénal car c’est l’acte par lequel l’infraction va débuter.
La définition du commencement d’exécution a été posée par la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt Lacour du 25 octobre 1962 : “Le commencement d’exécution est caractérisé (…) par des actes devant avoir pour conséquence immédiate et directe de consommer le crime, celui-ci étant ainsi entré dans la période d’exécution.”
5. LA CONSOMMATION
La consommation de l’infraction pénale désigne l’étape finale de l’iter criminis car il s’agit de l’exécution de l’infraction pénale par l’agent.
Il s’agit bien évidemment, tout comme le commencement d’exécution, d’une étape punissable pénalement.
C’est tout pour cet article juridique consacré à l’arrêt Perdereau ainsi qu’à la consécration jurisprudentielle de l’infraction impossible : oui, il est parfaitement envisageable de tenter de commettre un homicide volontaire sur un cadavre.