Sélectionner une page

Les enseignements tirés de l’arrêt Dame Dol et Laurent du 28 février 1919

Dans cet article, nous allons examiner les aspects importants de l’arrêt rendu par le Conseil d’État dans l’affaire Dame Dol et Laurent en date du 28 février 1919. Cet arrêt est considéré comme fondamental pour la compréhension de la jurisprudence française relative aux recours pour excès de pouvoir et à la protection des libertés individuelles et du commerce.

Contexte de l’affaire Dame Dol et Laurent

L’affaire concerne un arrêté pris par le préfet de l’Oise qui interdisait à Madame Dol, épicière, et Monsieur Laurent, boulanger, d’exercer leur métier respectif pendant une durée déterminée. Les deux commerçants ont contesté cette décision devant le tribunal administratif, arguant qu’elle portait atteinte à leur liberté individuelle et à leur liberté du commerce.

L’excès de pouvoir invoqué par les requérants

Pour contester la légalité de l’arrêté préfectoral, Dame Dol et Laurent ont soulevé un moyen unique : l’excès de pouvoir. Selon eux, l’autorité administrative avait outrepassé ses compétences en prononçant cette interdiction d’exercer leur profession. En effet, ils considéraient que la mesure était disproportionnée au regard des faits reprochés et qu’elle constituait une atteinte injustifiée à leurs droits fondamentaux.

La décision du Conseil d’État

Dans sa décision, le Conseil d’État a reconnu la légitimité de l’action administrative en matière de police et de régulation des activités économiques. Toutefois, il a souligné que cette action doit être exercée dans le respect des principes généraux du droit, notamment ceux relatifs à la proportionnalité des mesures administratives et à la protection des droits fondamentaux.

L’exigence de proportionnalité des mesures de police

Le juge administratif a rappelé que, si l’autorité administrative dispose d’un pouvoir de police lui permettant de prendre des mesures pour assurer l’ordre, la sécurité et la salubrité publiques, ces mesures doivent toutefois être proportionnées aux objectifs poursuivis. Ainsi, une mesure de police ne peut être légalement prise que si elle est nécessaire et adaptée au contexte dans lequel elle s’inscrit.

La protection des droits fondamentaux

En outre, le Conseil d’État a affirmé que les mesures de police administrative doivent être mises en œuvre dans le respect des principes généraux du droit et des droits fondamentaux, tels que la liberté individuelle et la liberté du commerce. Ainsi, toute atteinte portée à ces libertés doit être justifiée par un motif d’intérêt général et proportionnée au but recherché. Autrement dit, une mesure administrative ne peut restreindre une liberté fondamentale que dans la mesure où cette restriction est nécessaire pour assurer la réalisation d’un objectif d’intérêt général.

Les conséquences de l’arrêt Dame Dol et Laurent

Cet arrêt constitue un tournant important dans la jurisprudence administrative française, notamment en matière de contrôle du pouvoir discrétionnaire des autorités administratives et de protection des libertés individuelles et économiques.

Un renforcement du contrôle juridictionnel sur l’action administrative

  • L’arrêt confirme le principe du recours pour excès de pouvoir comme un instrument de contrôle juridictionnel permettant aux citoyens de contester la légalité des actes pris par les autorités administratives.
  • Le juge administratif se montre plus attentif à l’exigence de proportionnalité des mesures de police, veillant à ce que celles-ci soient nécessaires et adaptées au contexte et aux problèmes qu’elles entendent régler.
  • La protection des droits fondamentaux est renforcée, le juge veillant à ce que les atteintes portées à ces droits soient justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées au but recherché.

Une jurisprudence toujours d’actualité

Bien que rendu il y a plus d’un siècle, l’arrêt Dame Dol et Laurent demeure une référence essentielle en droit administratif français. Les principes énoncés en matière de contrôle juridictionnel, de proportionnalité des mesures administratives et de protection des libertés fondamentales continuent à être appliqués par le juge administratif dans les litiges relatifs aux décisions prises par les autorités administratives.